Un proverbe chinois le souligne : "Plus on prend de la hauteur, plus on voit loin." Fort de ce constat, le studio anglais Reflections (Driver), filiale d'Ubisoft depuis 2006, s'est laissé aller à une expérience mettant en scène un robot se découvrant une passion soudaine pour la botanique. Et il donne de sa personne, le bougre...
Grow Home - à ne pas confondre avec Gone Home, qui n'a rien, mais alors vraiment rien à voir - fait partie de ces projets "annexes" qu'Ubisoft laisse se développer tranquillou dans leur coin, aux côtés de leurs productions AAA aux budgets autrement conséquents, dans l'espoir qu'au final on puisse en tirer quelque chose. Bonne pioche : imaginé par une équipe réduite au sein de Reflections, Grow Home, de simple démo technique proposant des animations procédurales (on va y revenir), s'est avéré suffisamment abouti et original pour être peaufiné, et voir récemment le jour. Une mode du "jeu indé soutenu par une grosse boîte qui prend pas trop de risque" sur laquelle Ubi surfe allégrement - et qui en fait sourciller certains -, mais devant l'originalité du concept qui nous est ici proposé, et le plaisir de jeu manifeste qui s'en dégage, nous laisserons les seuls gamers aux sourcils froncés faire la fine bouche.
Robot, mais pas trop
Dans Grow Home, vous manipulez BUD*, un robot générique curieusement attachant envoyé sur la surface d'un astre à la flore luxuriante. Sa mission : faire pousser une Star Plant (notez que le jeu, malgré le peu de texte présent, n'est - pour le moment ? - pas traduit en français), une espèce de tige de haricot magique à la capacité de développement phénoménale, jusqu'à 2.000 m (!) de hauteur. Ce qui lui permettra, par la même occasion, de rejoindre son vaisseau-mère, à l'intérieur duquel officie une Intelligence Artificielle portant le doux nom de M.O.M. (qui s'adresse à vous, en effet, comme une mère à son enfant). Pour ce faire, vous devrez escalader la plante à la force de vos mimines mécaniques - jeu au paddle conseillé, les gâchettes correspondant aux mains gauche et droite, capables de s'accrocher à absolument n'importe quoi -, et "stimuler" les bourgeons (appelés Star Shoots) qui s'y trouvent pour les faire pousser afin de les connecter aux îles volantes se trouvant çà et là. Si certaines d'entre elles permettent simplement d'étendre votre espace de découverte, d'autres, pulsant d'une étrange énergie verte (appelées Energy Rocks), contiennent la sève indispensable au développement de la Star Plant qui, ainsi nourrie, se développe toujours plus loin, toujours plus fort, toujours plus haut.
Ne passons pas à côté des choses simples
À la manière de la plante que vous devez ici choyer, Grow Home grandit au fil des heures dans le coeur du gamer qui sera sensible à son atmosphère, et se révèle peu à peu irrésistible. Tout commence pourtant avec un robot que l'on manipule difficilement, le choix ayant été fait de ne pas lui associer d'animations prédéfinies mais en grande partie "procédurales", autrement dit des mouvements soumis à un ensemble de règles liées au moteur physique du jeu, en temps réel. Dans les faits, cela se traduit par des déplacements que l'on dirait calqués sur ceux d'un soiffard ivre mort, ce qui décontenance au début, mais cette approximation voulue ne nuit finalement en rien au gameplay, qui s'étoffe rapidement. En récupérant des cristaux (une centaine sont dispersés un peu partout), vous gagnez en effet de nouvelles capacités, et améliorez notamment votre jetpack, essentiel à votre mobilité. L'androïde maladroit laisse ainsi peu à peu place à un robot bondissant qui apprend de surcroît à profiter de son environnement, en rebondissant sur d'immenses champignons, en utilisant une fleur pour planer, en faisant du deltaplane avec une feuille... Cette liberté offerte se révèle extraordinairement plaisante, et offre des panoramas vertigineux lorsque, à plusieurs centaines de mètres de hauteur, vous jetez un coup d'oeil vers le sol. De montagne en cascade, de cave sombre en forêt, et croisant de temps à autre une faune sujette à expériences diverses (jeter des moutons dans le vide tient du passe-temps pour certains...), BUD découvre ainsi un écosystème aussi convaincant par sa richesse qu'éblouissant par ses couleurs flashy. Un voyage de quelques heures - proposé au prix, abordable, de 8 euros - que l'on effectue avec un plaisir sans cesse renouvelé, et l'envie tenace, évidemment déçue, de ne pas en voir la fin...
*l'acronyme de Botanical Utility Droid, le mot désignant également, en anglais, un bourgeon, et rappelant l'abréviation de buddy (pote)... Bref, un nom qui ne doit rien au hasard.
Un robot, une plante géante, de la varappe en veux-tu en voilà... Si l'on doit reprocher quelque chose à Grow Home, ce n'est certainement pas son manque d'originalité. Gesticulant d'abord comme un homme ivre, BUD prend peu à peu de l'assurance, et évolue finalement des centaines de mètres au-dessus du sol avec une étonnante grâce, comptant sur son jetpack, sa poigne et ses réflexes. Un voyage tout en verticalité qui fait de sa naïveté de fond (l'histoire, gentillette) comme de forme (les graphismes, que l'on verrait bien dans un livre de coloriage pour enfants) une véritable force.